Certains récits courts de Silvina Ocampo (Argentine, 1903-1993) présentent la particularité de faire cohabiter des motifs d'horreur avec des traits d'humour. Meurtres, cadavres et corps difformes sont des manifestations de l'abjection, à côté desquelles se trouvent mots d'esprit, ironie, parodie, satire. Et le tout est marqué par le sceau de la répétition. À première vue, les procédés d'humour tiennent lieu de symbole, élaboration secondaire dont le rôle est d'éloigner le sujet de l'abject, le réaffirmant dans son identité, son appartenance et sa loi. Mais dès qu'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que les traits d'humour sont en fait un leurre. L'analyse des procédés satiriques : recours au stéréotype, au cliché et exploitation du kitsch, notamment, révèle la nature ambivalente de ces notions, en même temps qu'elle remet en question leur fonctionnement dans le texte. De par la double valorisation de ces procédés toujours aptes à susciter l'horreur, on est en droit de se demander si le paradigme du plaisir sur lequel, a priori, les textes nous engagent, n'est pas subverti. La réinstauration de l'image maternelle, par le biais d'un rituel masochiste, par la rumination cannibalique, ainsi que par la répétition qui traversent les textes transforme notre rire en effet de jouissance.