Cet article tente de répondre à la question suivante : au-delà des caractéristiques de l’exploitation agricole, quels sont les autres facteurs qui influencent les différents types d’innovation dans les filières stratégiques de l’agriculture algérienne ? En effet, la politique algérienne actuelle ambitionne de moderniser les filières stratégiques pour accroître la production, substituer la production nationale à l’importation et augmenter le volume des exportations. Ce travail de recherche porte sur l’innovation agricole adoptée par les producteurs de blé dur et les producteurs de pomme de terre. Pour cela, nous avons réalisé une enquête auprès d’une centaine d’agriculteurs et des entretiens qualitatifs auprès d’acteurs locaux du développement et de l’accompagnement agricoles. Les résultats obtenus montrent que le niveau d’innovation dans les techniques agricoles conventionnelles est appréciable : adoption de la rotation des cultures, introduction de nouveaux produits phytosanitaires, de désherbants et de fertilisants pour le blé dur ; adoption de nouvelles variétés, introduction de nouvelles machines et techniques de plantation pour la pomme de terre. Par contre, les innovations en matière de marketing, de commercialisation ou de techniques durables sont inexistantes pour le blé dur, alors que certaines innovations en matière d’organisation et de marketing sont observées chez les producteurs de pomme de terre. Globalement, ces derniers présentent une autonomie financière, sont plus jeunes, plus instruits et exploitent de plus grandes superficies que les producteurs de blé dur, ce qui semble expliquer leur propension à innover davantage. Enfin, les résultats suggèrent que les politiques de subvention et de garantie de la commercialisation pour les producteurs de blé dur freineraient l’innovation dans cette filière, alors que la forte concurrence entre régions nord et sud stimulerait l’innovation chez les producteurs de pomme de terre. À l’inverse, le statut non sécurisé du foncier dans cette dernière filière agirait comme un frein à l’innovation et aux investissements de long terme.