Ce numéro spécial fait suite au colloque qui a eu lieu en juin 2017 à Grenoble et dont les co-présidents étaient Yvan Pigeonnat et Julien Douady. Dix textes ont été choisis pour représenter son thème : Relever les défis de l’altérité dans l’enseignement supérieur.
Le concept d’altérité est emprunté du latin alteritas, dérivé de l’étymologie alter. Il désigne le caractère de ce qui est autre (Ferréol et Jucquois, 2003). L’altérité reconnaît l’autre en tant que personne différente. Elle permet de dépasser une perspective dichotomique du moi et de l’autre, car l’autre, reconnu en tant que tel, contribue à définir ma propre identité. L’altérité s’inscrit dans un rapport à l’autre comme le définit Ricœur (1990) : « je deviens plus et mieux moi-même au contact des autres et je prends mieux conscience tout à la fois de ma spécificité et de ma pluralité » (p. 30).
La prise en compte du concept d’altérité nous invite à réfléchir et à agir, car nous vivons aujourd’hui dans des sociétés foncièrement hétérogènes : « Socialisation, enculturation, scolarisation, éducation se déclinent désormais au pluriel » (Abdallah-Pretceill et al., 1997, p. 123). En enseignement supérieur, la reconnaissance et la prise en compte de la différence et de la diversité individuelle et collective constituent un défi important, car l’université est souvent définie comme un lieu de transmission des savoirs sans tenir compte de l’hétérogénéité sociale. Mais voilà que s’impose cette réalité qui amène certains enseignants à explorer l’apprentissage de la différence, de la diversité. Cet engagement implique d’accueillir et de s’ouvrir à la diversité et à la différence : « Une telle finalité éducative suppose que soit pleinement reconnue la singularité individuelle et que soient pris en compte les multiples facteurs de différenciation qui la composent : différenciation psychologique, mais aussi linguistique, culturelle, sociale, etc. » (Delory-Momberger et Mabilon-Bonfils, 2015, p. 11).
Mais comment intégrer pédagogiquement l’autre ? Cela n’est possible qu’en considérant l’université comme un lieu où l’apprentissage se déploie dans un vivre-ensemble. Il s’agit alors, dans le cadre des activités et des apprentissages communs, de mettre en place des conditions, des dispositifs pour que l’on puisse échanger et travailler ensemble ; de créer un lieu pour partager éventuellement nos représentations, nos croyances, nos référents culturels, nos modes de compréhension et d’action liés à la diversité (Matthey et Simon, 2009). Une telle démarche a pour conséquence de remettre en question les approches centrées sur l’enseignant comme l’exposé magistral ou la démonstration. Elle ne peut être actualisée que dans le cadre d’une pédagogie centrée sur le dialogue et la collaboration, d’une pédagogie novatrice centrée sur l’étudiant.