Forgée par la vision du chef métis, Louis Riel, la province du Manitoba a une place unique dans la Confédération canadienne, et ce, grâce à la nation métisse, aux voyageurs originaires du Bas-Canada et aux colons écossais venus s’établir à la colonie de la Rivière-Rouge. Le Manitoba devenue province, les partenaires métis et Canadiens français de la colonie, malgré leur rôle fondamental, ont vécu une histoire en dents de scie et vu leurs droits constitutionnels, territoriaux, linguistiques et scolaires abolis. Ayant vécu pendant des décennies en marge de la majorité manitobaine, ils ont retrouvé, il y a à peine une trentaine d’années, le plein rôle citoyen qui leur revenait après avoir relevé les défis posés par des gouvernements hostiles ou ignorants de la valeur de leur contribution.
Les décennies de discrimination suivies par les années de revendications ont façonné leur identité qui, par la force des événements, a dû s’adapter, à chaque période, pour devenir la francophonie manitobaine actuelle. Tout comme au XIXe siècle, cette francophonie fait face, aujourd'hui, à des enjeux identitaires uniques dans un contexte de coexistence avec la majorité anglophone. Affaiblie par les luttes juridiques, elle se relève et reprend de la vigueur en s’appuyant sur les acquis législatifs, juridiques et communautaires des 30 dernières années. Ces efforts sont néanmoins insuffisants puisque, tout comme le Canada, elle doit attirer des immigrants francophones pour combler ses déficits démographiques.
Cet article examine les circonstances dans lesquelles l’identité bien spécifique des francophones du Manitoba a évolué à partir de la dualité de la colonie de la Rivière-Rouge jusqu’à un pluralisme francophone sur lequel reposent leur avenir et leur épanouissement.